SUISSE : L’e-cigarette dans le panorama des addictions 2018
SUISSE : L’e-cigarette dans le panorama des addictions 2018

SUISSE : L’e-cigarette dans le panorama des addictions 2018

Addiction Suisse qui vient de publier son Panorama sur les addictions 2018 met en garde et déplore le manque de données scientifiques. Selon certains spécialistes, il « n’y a pas de véritable politique en matière d’addiction« .


NICOTINE : STAGNATION DE LA CONSOMMATION ET DE LA DIVERSIFICATION DES PRODUITS


En Suisse, le taux de fumeurs dans la population stagne à environ 25 % depuis près de six ans. Le tabac reste le principal facteur de risque de maladies non transmissibles. La palette des produits nicotiniques, de son côté, s’élargit sensiblement, ce qui pourrait être intéressant dans une optique de réduction des risques. On ne sait toutefois pas encore clairement si les nouveaux produits apportent ou non une amélioration sous l’angle de la santé publique : avec une législation anti-tabac stricte, ils pourraient remplacer une partie des cigarettes, alors que sans, ils ne pourraient qu’élargir la palette de produits disponibles. La nouvelle mouture du projet de loi sur les produits du tabac laisse malheureusement craindre la deuxième option.

Diversification du marché : de nombreuses inconnues

Le marché de la cigarette électronique (e-cigarette) ne se développe que depuis cinq ans. La vente de liquides contenant de la nicotine est toutefois interdite en Suisse. Selon les résultats d’un rapport spécifique du Monitorage suisse des addictions publié en 2016, un peu plus de 15 % de la population de plus de 15 ans a déjà fait usage au moins une fois d’une cigarette électronique. Cette part a plus que doublé par rapport à 2013, mais elle est à peine supérieure au pourcentage enregistré en 2014. L’usage quotidien stagne lui aussi, avec 0.4 % des personnes interrogées. Un tiers des 15 à 24 ans a déjà vapoté, mais pratiquement aucun jeune ne le fait tous les jours. Les vapoteurs quotidiens sont plus âgés et ont également davantage tendance à utiliser des liquides avec de la nicotine qui (en théorie) ne peuvent être achetés qu’à l’étranger. La majorité des personnes qui vapotent fument également des produits du tabac.

Aujourd’hui, nul ne conteste plus le fait que l’e-cigarette est moins nocive que la cigarette classique et qu’elle peut être utilisée dans une optique de réduction des risques, même si on manque encore de données sur le long terme. Faut-il pour autant encourager le vapotage dans le cadre d’une politique de santé publique? La question continue de faire débat dans les milieux scientifiques et parmi les professionnels de la prévention. Différentes études montrent en effet que si la cigarette électronique aide un petit nombre de personnes à tirer un trait sur la cigarette classique, elle en pousse d’autres à se contenter de réduire leur consommation de tabac au lieu de s’en affranchir.

Au cours des deux dernières années, trois cigarettiers ont lancé chacun un produit sans combustion, qui chauffe le tabac sans le brûler (heat not burn). Ces produits sont commercialisés de façon agressive aujourd’hui. Les données les plus récentes du Monitorage des addictions dans ce domaine remontent toutefois à 2016. Lors du relevé, 2 % des personnes interrogées rapportaient avoir déjà expérimenté ces produits et 0,2 % en faisaient usage quotidiennement, les 20 à 34 ans et les fumeurs quotidiens étant fortement représentés.

Ces nouveaux produits sont probablement moins nocifs eux aussi que les cigarettes classiques, mais à ce jour, peu d’études indépendantes ont été réalisées et on ne dispose encore d’aucune observation sur le long terme. En outre, des études indé- pendantes et – dans une moindre mesure – des analyses internes des fabricants ont montré que des particules de fumée sont également libérées quand on chauffe le tabac. Addiction Suisse publiera prochainement un dossier donnant l’état des lieux des connaissances sur les principaux produits à base de nicotine en vente actuellement.

Voir le rapport complet en format PDF.


« LES ALTERNATIVES AU TABAC COMPORTENT SIMPLEMENT LE RISQUE D’ELARGIR LE MARCHE« 


CBD, cigarettes électroniques, tabac chauffé… On assiste à une multiplication des produits susceptibles de provoquer des addictions, dont la diffusion est facilitée par internet, met en garde le Panorama Suisse des Addictions 2018.

Pour Corine Kibora, Porte-parole d’Addiction Suisse

« Premièrement, il faut donner des moyens à la recherche pour mieux connaître les risques de ces produits. Les seules données dont nous disposons sur les cigarettes sans combustion (ndlr.: le tabac est chauffé sans être brûlé) émanent de l’industrie elle-même. Nous pouvons ainsi remettre en cause leur fiabilité. Ensuite, il faut mettre en place un cadre légal pour appréhender les nouveaux produits. Malheureusement, le nouveau projet de loi sur le tabac, mis en consultation en décembre dernier, a été édulcoré, notamment en ce qui concerne les restrictions de la publicité et du marketing.

Si la cigarette électronique présente une alternative à moindre risque pour les fumeurs, il reste important de mieux encadrer les produits du tabac classiques, en limitant ou en interdisant la publicité, voire en adoptant le paquet neutre ou encore en augmentant les prix. Sinon les alternatives comportent le risque de simplement élargir le marché, sans pousser la population à adopter les produits les moins nocifs.« 

Frank Zobel, directeur adjoint d’Addiction Suisse déclare pour sa part chez nos confrères : 

« On peut dire avec certitude que la cigarette électronique est moins dangereuse que la cigarette classique, à combustion. Vapoter peut servir, pour les fumeurs, à réduire, voire arrêter leur consommation. Mais l’e-cigarette peut aussi conduire certains usagers à la cigarette classique et à une dépendance au tabac. C’est pourquoi il n’est pas forcément souhaitable de favoriser l’e-cigarette tant qu’une politique stricte, qui limiterait le tabagisme en interdisant la publicité et en instaurant un impôt efficace, fait défaut dans notre pays. Si une telle politique existait, la promotion de l’e-cigarette comme moyen de réduction des risques serait une évidence.« 

SourceSwissinfo.ch/Letemps.ch

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A propos de l'auteur

Rédactrice et correspondante Suisse. Vapoteuse depuis de nombreuses années, je m'occupe principalement de l'actualité suisse.