TRIBUNE : Vapotage, nos politiques à l’heure des choix !

TRIBUNE : Vapotage, nos politiques à l’heure des choix !


Vapotage : nos politiques à l’heure des choix
par Vincent Durieux, Président de France Vapotage


L’Europe est engagée dans la révision de deux directives qui affecteront l’avenir du vapotage. Dans quel sens ? Tout dépend, en vérité, de l’interprétation que nos responsables politiques feront du principe de précaution, l’un des piliers de nos politiques publiques, consacré dans la Constitution française comme dans les traités européens.
Ce principe guide nos décideurs publics. Il consiste, dans le cas de risques avérés, à éviter autant que possible des dommages graves et irréversibles et, dans le cas de risques hypothétiques, à encourager les programmes de recherche pour lever le doute. Il s’agit donc bien d’un principe « éclairé » d’action publique, et pas de « non-action ».

Vincent Durieux, Président de France Vapotage

Qu’en est-il en effet pour notre sujet ? Le risque du tabagisme est avéré et majeur, la combustion de tabac est cancérigène, responsable de plusieurs dizaines de milliers de morts prématurées chaque année. Le risque du vapotage, lui, est hypothétique et, selon les milliers d’études scientifiques déjà réalisées (déjà plus de dix ans de recul), incontestablement moins important que celui lié à la cigarette. Le vapotage est considérablement moins nocif car la cigarette électronique ne contient pas de tabac (d’ailleurs le tabac à chauffer n’est pas du vapotage).

En toute logique donc, certains responsables politiques désignent clairement le tabac comme l’ennemi absolu et le vapotage comme l’une des solutions. C’est le raisonnement qui fonde la stratégie de réduction des risques du Royaume-Uni. C’est aussi ce qui conduit, en France, l’Académie nationale de Médecine à recommander aux fumeurs de passer au vapotage « sans hésitation », ce qui justifie l’intégration du vapotage dans les campagnes publiques telles que le Mois sans Tabac et dans les communications de Santé Publique France et de l’Institut national du cancer.

Pourtant ce principe de précaution est aujourd’hui souvent dévoyé. Ainsi au nom de la recherche d’une sécurité absolue, d’autres décideurs tournent le dos aux solutions pragmatiques, se méfient de l’innovation, privilégient l’immobilisme ou pire, aboutissent à des mesures contreproductives. Le vapotage en est le parfait exemple : plutôt que d’accompagner la filière pour lui permettre de se développer de manière responsable – dans l’intérêt des consommateurs, actuels et futurs, comme des entreprises et surtout de la société – la tentation existe de « tuer » le produit au risque de freiner fortement la lutte contre le tabagisme.

Pour eux, sous prétexte qu’il y aurait éventuellement et à long terme des risques, le vapotage doit être combattu au même titre que le tabac. Au nom de cette interprétation dévoyée du principe de précaution, la cigarette électronique demeure victime d’attaques, de dénigrements, de messages anxiogènes voire de contre-vérités. C’est ainsi que dans son rapport du 20 mai relatif à l’application de la directive dite TPD, la Commission européenne, en contradiction avec les données connues, pointe « les conséquences des cigarettes électroniques sur la santé » et « le rôle important qu’elles jouent dans le début du tabagisme », pour au final prôner « l’application du principe de précaution et le maintien de l’approche prudente adoptée jusqu’à présent ».

Au final, nous sommes au milieu du gué. On encourage d’un côté la pratique, on la stigmatise de l’autre !

On laisse le vapotage se développer mais on n’accompagne pas la filière et les millions de consommateurs dans l’accès à une meilleure information.

On annonce une « génération sans tabac » mais on envisage dans le même temps de restreindre l’accessibilité des produits du vapotage, voire de limiter le nombre d’arômes disponibles, pourtant facteur essentiel dans le parcours de réduction et d’arrêt du tabac.

On prône une pratique de consommation encadrée et sûre mais on ne permet pas au secteur de disposer d’une réglementation adaptée pour tous les e-liquides, préférant laisser depuis 10 ans le secteur… s’auto-réguler !

Des paradoxes voire des non-sens néfastes pour la santé publique et qui créent trop souvent la confusion dans l’esprit des fumeurs en recherche de solutions.

Il est urgent de renouer avec les fondamentaux du principe de précaution. A nos yeux, cela implique d’agir dans trois directions en ce qui concerne nos produits :

  • Tout faire pour accélérer et amplifier la sortie du tabagisme.

Des millions d’Européens continuent de fumer malgré les risques avérés et toutes les mesures fortes prises ces dernières années : augmentation des prix, interdiction de fumer dans les espaces fermés accueillant du public, instauration du paquet neutre, campagnes de sensibilisation… En France en particulier, la prévalence tabagique n’évolue presque pas malgré ces mesures.

La cigarette électronique est un allié de poids : elle est l’outil le plus utilisé[1] et le plus efficace[2] pour sortir du tabagisme. Une solution inventée par un ancien fumeur, éprouvée par des millions de personnes qui jusqu’ici n’avaient pas réussi à arrêter de fumer grâce aux autres aides disponibles, notamment médicamenteuses.

Si la priorité est bien de réduire au maximum la prévalence tabagique alors le passage du tabagisme au vapotage doit être encouragé et conforté, et non fragilisé par des prises de position ambigües qui confondent, volontairement, tabac et vape, ou des décisions qui en entraveraient l’accessibilité (prix, arômes, lieux de vente…). Le danger est là : le dernier baromètre réalisé pour France Vapotage par l’institut Harris Interactive révèle qu’une majorité des vapoteurs pourraient probablement retomber dans le tabagisme en cas d’augmentation des prix (64%), de restriction de l’accessibilité des produits (61%), de restriction des usages dans les espaces publics (59%) ou d’interdiction des arômes hors « saveur tabac » (58%).

  • Assurer la qualité et la sûreté de tous les produits du vapotage.

En France et plus généralement au sein de l’Union européenne, un certain nombre d’obligations et de contrôles garantissent la qualité des produits, la sécurité des consommateurs adultes et la protection des mineurs.

France Vapotage demande la création d’un cadre réglementaire renforcé et surtout propre au vapotage, afin d’opérer une distinction claire avec le tabac, de rassurer totalement les vapoteurs, d’éviter tout risque et toute suspicion. L’interdiction de vente aux mineurs doit continuer à être respectée. C’est un principe intangible.

Par ailleurs, aujourd’hui, les liquides qui contiennent de la nicotine sont soumis à juste titre à un encadrement strict, ce qui n’est pas le cas des produits sans nicotine. Une harmonisation est nécessaire, car l’encadrement doit concerner tous les produits et leur composition. Certes, les professionnels ont été nombreux à prendre les devants. Mais cette auto-régulation ne vaut pas réglementation et surtout n’est pas tenable durablement. Pour le coup, si le principe de précaution doit guider l’action publique, c’est bien ici : comment expliquer qu’on laisse une filière se développer sans lui donner un cadre réglementaire propre et satisfaisant ?

Là encore, notre dernier baromètre montre le soutien de l’opinion aux mesures que nous proposons : 64% des Français (et 78% des vapoteurs !) sont favorables à une règlementation différente pour les produits liés au tabac et les produits liés au vapotage.

  • Fonder la prise de décision sur des études indépendantes solides et non contestables.

De nombreuses études indépendantes existent, qui démontrent entre autres que la vapeur produite par la cigarette électronique contient au minimum 95% de substances toxiques en moins que la fumée de cigarettes.

En cohérence avec le principe de précaution, des études complémentaires doivent être menées pour préciser les effets du vapotage sur la santé du consommateur comme de son entourage, en particulier à long terme. Mais à ce jour, aucune étude sérieuse et incontestée ne fait la démonstration d’un risque associé à la pratique du vapotage : en l’état actuel des connaissances scientifiques, rien ne justifie les discours alarmistes.

L’heure est venue, pour la France comme pour l’Union européenne, de choisir. Si les pouvoirs publics déclarent la guerre au vapotage, les résultats sont connus, ils ont été observés par exemple en Italie en 2017 : hausse de la prévalence tabagique, effondrement économique de la filière et suppression d’emplois, développement d’un marché noir des produits du vapotage, et au final des recettes fiscales bien inférieures à ce qui avait été estimé.

L’autre voie, c’est de saisir collectivement l’opportunité historique que représente le vapotage contre le tabagisme, en accompagnant une filière encore jeune dans son développement responsable pour protéger les consommateurs.

 

[1]BEH 14-15, Mai 2018, Journée mondiale sans tabac ;
Guignard R, Richard JB, Pasquereau A, Andler R, Arwidson P, Smadja  O, et al; le groupe Baromètre santé 2017.  Tentatives d’arrêt du tabac au dernier trimestre 2016 et lien avec Mois sans tabac  : premiers résultats observés dans le Baromètre santé 2017. Bull Epidémiol Hebd. 2018;(14-15):298-303. http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2018/14-15/2018_14-15_6.html.
[2] Hajek P Ph.D., Anna Phillips-Waller, B.Sc., Dunja Przulj, Ph.D., Francesca Pesola, Ph.D., Katie Myers Smith, D.Psych., Natalie Bisal, M.Sc., Jinshuo Li, M.Phil., Steve Parrott, M.Sc., Peter Sasieni, Ph.D., Lynne Dawkins, Ph.D., Louise Ross, Maciej Goniewicz, Ph.D., Pharm.D., et al. A randomized trial of e-cigarettes versus nicotine-replacement therapy. N Engl J Med 2019 Jan 30; [e-pub]. (https://doi.org/10.1056/NEJMoa1808779)

 

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A propos de l'auteur

Rédacteur en chef de Vapoteurs.net, le site de référence sur l'actualité de la vape. Engagé dans le monde de la vape depuis 2014, je travaille chaque jour pour que tous les vapoteurs et les fumeurs soient informés.